Le miroir de vérité

par **Sieur Vrémaux** Ven 12 Juil - 11:41

Extrait d'une légende domienne tiré d'un recueil intitulé : Les dix objets sacrés de la quatrième ère ombrale, par Minamoto Akayame

Il y a bien longtemps, vivait un pécheur au bord d'une rivière. L'eau de la rivière était limpide, limpide comme un ciel d'hiver sans le moindre nuage, vif, brillant. Il vivait du produit de sa pêche et de sa récolte car la rivière lui offrait tout ce dont il pouvait avoir besoin. Poisson, plantes, eau. Il avait construit une petite masure contre un arbre centenaire dont les plus hautes branche côtoyaient les étoiles disait-on.

Un jour, une femme vint à lui. Blanche de peau, telle la neige, blafarde diraient certain. Sa longue chevelure de jais tombait dans son dos telle une rivière, une rivière d'obscurité. Mais hélas, la femme ne pouvait parler, sa bouche éternellement close. Un maléfice ? Une maladie ? Ou simplement une muette ? Nul ne le sait.
La femme semblait perdu, abandonnée peut-être ? Rejeté à cause du silence dans lequel elle s'entourait. Car oui, sa bouche n'était pas seulement close. Tout autour d'elle devenait silencieuse, comme si elle faisait disparaître tous les sons environnants.

Aussi, le pécheur fut surpris. Il eut beau crier, hurler pour l'appeler, jamais un son ne parvint à ses oreilles. Néanmoins, malin comme il était, il parvint à se faire comprendre de ses mains et de ses gestes. Et ainsi lui et la femme du silence purent échanger, communiquer. Elle ne lui offrit cependant aucun sourire, elle qui vivait dans le silence, repliée sur elle-même du monde qui l'entourait.
N'ayant nul lieux où aller, n'ayant rien de plus qu'un petit sac et ses vêtements, le pécheur la prit en pitié et l'invita à partager sa masure au pieds de son arbre centenaire. Il faut dire, le pécheur était intrigué. Comment cela pouvait-il être possible ? Une femme qui dévorait les bruits et ne rendait que le silence ? Muette et sourde par la force des choses.

Il chercha, réfléchit, longuement, des années durant même ! Mais rien n'y faisait, aucune solution ne marchait, aucune ne résolvait réellement le problème. Puis un jour, un homme vînt à sa porte. Un homme des plus simple, un humble voyageur, que dis-je ? Un rétameur ambulant ! Un de ces hommes qui vendent tout et trouve solution à tout ! Le pécheur et le rétameur discutèrent donc, l'un partageant son problème avec le second, le second lui proposant une solution !

Il avait dans ses sacs disait-il ,une lame, une épée même, dont les faces étaient si bien polies qu'elles réfléchissaient parfaitement la lumière. La lumière ? Mais pas que ! Elles réfléchissaient la vérité, dévoilant les choses cachées de ceux qui se retrouvaient devant elle. C'était une épée lumineuse car elle attrapait les moindres rayons du soleil et de la lune. Le pécheur si dit donc, qu'avec une telle épée, il pourrait ENFIN savoir la vérité sur la femme silencieuse. Il pourrait comprendre, savoir ce qui lui était arrivé !
Il acheta donc l'épée au rétameur et s'approcha de la femme silence à la longue chevelure de jais. Par des signes il l'apaisa et l'invitant à se pencher pour que son visage se reflète dans les faces de la lame. Et Silence, tel est le nom que nous donnerons à la femme, se pencha pour offrir son visage à la lame.

Le pécheur pu ainsi voir la vérité se cachant sous le silence de la femme. Il releva le regard, plein de surprise, saisit d'effroi ! Car oui ... il ne s'agissait ni d'une malédiction, ni d'une maladie, ni même d'un défaut du corps ... La femme avait elle-même décidé de s'offrir au silence et de le faire sien pour faire taire ceux qui pouvait lui nuire.
La longue chevelure de jais ondula, grandit et tomba, devenant une flaque d'ombre à même le sol. Une flaque plus obscure que la plus obscure des nuits, ténébreuse comme le cœur d'un homme corrompu. Et de cette flaque sorti un homme. Un homme aux yeux noirs, à la chevelure blanche et au teint cendre. Il était armé d'une épée, elle aussi fait d'ombre, des mêmes ombres d'où il surgissait. Sans laisser le temps au pécheur de réagir, il vint la lui planter dans le corps pour l'emporter dans la mort. Lui et le secret que le silence n'avait pu garder.

On ne sait ce que devint exactement l'épée, le miroir de vérité tel qu'il fût appelé par la suite. Mais l'homme au teint de cendre et la femme au silence s'enfuirent après avoir commis leur méfait. On raconte néanmoins que cette lame, ce miroir existerait toujours et qu'il serait un rempart face aux mensonges, à l'obscurité se cachant dans le cœur des hommes et face au silence qui le sert. Quiconque manierait cette lame en serait protégé et verrait la vérité éclater à ses yeux, devant protégé de la trahison.